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Préhistoire de l’hypnose

L’hypnose est pratiquée depuis toujours et sur tous les continents, ou tout du moins des processus extrêmement proches à la transe hypnotique. Depuis l’aube de l’humanité, les états modifiés de conscience sont utilisés pour soigner ou soulager différents maux. Des recherches archéologiques ont permis de mettre en lumière des utilisations de transes thérapeutiques (s’approchant à certains aspects de l’hypnose actuelle) datant d’il y a 6 000 ans en Mésopotamie, puis dans l’Egypte des pharaons, dès le début de la médecine chinoise, dans la Grèce antique… L’objectif était déjà, alors, le soin.

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Papyrus Ebers, dont certains procédés médicaux ressemble beaucoup à l’hypnose, XVIe siècle av. J.-C Crédit : Wellcome Library, London.
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Hypnos, attribuée au sculpteur grec Scopas, vers 350-200 avant J.-C. Crédit : Jean-Pierre Dalbéra

En 1773, Franz Anton Mesmer introduit l’usage de l’hypnose dans la communauté médicale européenne. Il développe alors la conception d’un fluide universel dont les déséquilibres chez un individu causeraient la maladie. On parle alors de « magnétisme animal » (par opposition au magnétisme des physiciens, anima du latin : âme) ou de « mesmérisme ». Lors des « cures magnétiques » en individuel, puis en groupe, Mesmer faisait des passes magnétiques à l’aide d’une baguette et d’un baquet rempli d’eau permettant la diffusion du « fluide magnétique». Les patients traversaient une phase convulsive spectaculaire suivie d’une phase léthargique pour ensuite s’éveiller « guéris ». L’ambiance générale de ces cures était très spectaculaire, voire théâtrale.

Il est alors considéré comme le précurseur de l’hypnose (même si elle n’a strictement rien à voir avec ce procédé), en faisant entrer une forme de transe au sein de la médecine. Certains aspects actuels de l’état hypnotique apparaissent avec un élève de Mesmer. En effet, Armand-Marie-Jacques de Chastenet de Puységur semble moins intéressé par le côté spectaculaire du magnétisme animal et estime que la phase convulsive n’a pas d’utilité au traitement. Par ailleurs, à partir de 1784, il met en avant le rôle actif du patient dans son traitement. Contrairement au mesmérisme, où le magnétiseur possède le pouvoir de guérir, Puységur estime que grâce à l’état somnambulique, le magnétiseur réveille le « médecin intérieur » du patient. L’accent est mis sur les capacités psychiques du patient. Il parle alors de « somnambulisme magnétique ».


Naissance de l’hypnose

Tout d’abord l’Abbé de Faria, puis James Braid ensuite, vont mettre fin à la théorie fluidique en démontrant que les « passes magnétiques » n’étaient pas indispensable pour induire un état de transe. A partir de 1843, afin de se démarquer du magnétisme et de son « aura magique », James Braid utilise le terme d’hypnose (d’hypnos, sommeil en grec) à sa pratique. Il regrettera par la suite de l’avoir nommé hypnose car la transe hypnotique est bien différente du sommeil. Toutefois le terme était déjà bien acquis par la population.

A partir du XIXème siècle, des chirurgiens français et britanniques commencent à utiliser l’hypnose en anesthésie pour effectuer leurs interventions chirurgicales, quelques années avant l’arrivée de l’éther et du chloroforme comme anesthésique.

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Charcot lors d’une démonstration d’hypnose, André Brouillet, 1887.

Par la suite, en France, deux courants de pensée s’opposent : L’École de Nancy et l’École de la Salpêtrière à Paris. Ambroise-Auguste Liébault et Hippolyte Bernheim, appartenant à cette première, vont progressivement se centrer sur la suggestion directe en s’écartant de l’hypnose et vont mettre en place une échelle de suggestibilité classant les sujets comme plus ou moins hypnotisables. A la Salpêtrière, Jean-Martin Charcot, neurologue de renom, s’intéresse lui aussi à l’hypnose et estime qu’elle est un état pathologique observable chez les hystériques. Il faisait des démonstrations publiques au sein de l’amphithéâtre de la Salpêtrière et s’est finalement vu accusé d’avoir « dressé » ses patients afin que leur comportement soit théâtral. Son hypnose fût considérée comme un artefact. L’École de la Salpêtrière déclinera pour laisser plus de place à l’École de Nancy.

En 1885, lors de son voyage d’étude à Paris, Sigmund Freud fut l’élève de Charcot mais aussi de Bernheim. Il est alors convaincu de la réalité de l’hypnose. Étant considéré comme un intellectuel plus qu’un bon technicien de l’hypnose, ses résultats ne sont pas brillants et il abandonne l’hypnose au profit de la méthode des associations libres dans les années 1890. Il découlera de ce changement « l’inconscient freudien » et la naissance de la psychanalyse.

La psychanalyse est très bien accueillie et devient la nouvelle « mode » au détriment de l’hypnose, qui entre dans une période d’oubli.

Pour autant, quelques-uns résistent à la vague psychanalytique, dont le psychologue comportementaliste américain Clark L. Hull qui étudie l’hypnose. Il formera ensuite Milton H. Erickson.

La durée et le coût de la psychanalyse finit par rebuter un grand nombre de thérapeutes et de patients. De plus, l’efficacité des méthodes modernes d’hypnothérapie (en particulier sur les névroses de guerre causées par les combats de la Seconde Guerre Mondiale) permet à l’hypnose de prendre une nouvelle place dans le paysage thérapeutique. En 1955, la British Medical Association reconnait l’hypnose et l’intègre dans l’enseignement de la médecine, les États-Unis suivront en 1958.


L’hypnose moderne de Milton H. Erickson

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Milton H. Erickson (1901–1980)

Milton H. Erickson (1901 – 1980) était daltonien, amusique (incapacité à percevoir le rythme, la mélodie ou les accords, ce qui enlève tout sens à la musique malgré une audition normale) et avait une dyslexie importante. Tout cela lui donna une perception du monde très particulière et personnelle. Par ailleurs, à 17 ans il fait une attaque de poliomyélite et après trois jours de coma il se réveille complétement paralysé. C’est à cette occasion qu’il découvre seul, et sans savoir ce que c’est, l’autohypnose qu’il utilise pour sa rééducation. En troisième année de médecine, il découvre l’hypnose avec Clark Hull et fait le lien avec ses expériences passées. Il se passionne pour cette matière et la pratique rapidement avec une efficacité remarquable.

En s’inspirant de son parcours de vie et des travaux de Pierre Janet, Erickson va révolutionner l’hypnose en s’opposant à son professeur et à l’Ecole de Nancy. Il démontre que la plus grande majorité de la population est « hypnotisable » si on adapte la communication à la singularité de la personne. Par ailleurs, il établit que la transe hypnotique (ainsi que les états modifiés de conscience) est un mode de fonctionnement naturel et non pas un état artificiel (on entre en transe spontanée toutes les 90 minutes durant nos phases d’éveil (rythme ultradien), à l’instar des phases de sommeil). Pour lui le thérapeute ne fait que faciliter la dynamique des processus mentaux du patient. Le travail thérapeutique consiste à collaborer avec l’intelligence inconsciente du patient au service du changement et avec ses propres ressources et capacités d’apprentissage. Le patient devient acteur de sa guérison.

Devenu psychiatre, Milton Erickson continuera d’utiliser l’hypnose jusqu’à la fin de sa vie et sa renommée grandissante le fera connaître internationalement. Il publia plus de 150 articles scientifiques issus de ses recherches et de sa pratique clinique. Il influença le courant systémique, les théories modernes de communication humaine, la programmation neuro-linguistique… Par ailleurs, il forma de nombreux thérapeutes.


L’hypnose éricksonienne aujourd’hui

L’imagerie médicale et les neurosciences ont permis de mettre en évidence une synchronisation des deux hémisphères cérébraux, contrairement à leur fonctionnement en état de veille ordinaire.